RTBF : le travail de mémoire de Cécile Massart au Botanique

SARCOPHAGI - Radioactive waste, au Botanique. Photo ©Michel Mazzoni

SARCOPHAGI - Radioactive waste, au Botanique. Photo ©Michel Mazzoni

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par Xavier Ess
Publié le jeudi 04 mars 2021 à 16h36

Photo ©Michel Mazzoni

Photo ©Michel Mazzoni

Depuis près de 30 ans, la question des déchets radioactifs que nous produisons et qui nous survivrons pendant des centaines de milliers d'années, est le sujet du travail de Cécile Massart. L'exposition "Sarcophagi - Radioactive Waste" au Botanique à Bruxelles, mêle le souci documentaire à la création artistique. 

Entretenir la Mémoire et pérenniser la transmission

Les déchets radioactifs sont soit conservés en surface, enfermés dans des monolithes de béton, soit enfouis dans le sol pour les déchets de haute intensité qui peuvent émettre de la radioactivité jusqu'à un million d'années. En Belgique, la gestion des déchets radioactifs, c-à-d la protection de la population et de l'environnement, est assurée par l'ONDRAF, l'Organisme national des déchets radioactifs et des matières fissiles enrichies. Depuis 10 ans l'organisme met en chantier le site de Dessel, près de Mol pour le stockage des déchets de basse intensité. Un site conçu en concertation avec la population locale.

 Les sites de stockage géologique, pour les déchets qui présentent un risque pendant des centaines de milliers d'années, sont des monuments invisibles qui vont identifier notre XXIe siècle affirme Cécile Massart. D'où cette question essentielle : comment ne jamais oublier où sont ces déchets et le danger potentiels qu'ils représentent ?

Développer une "culture nucléaire"

Pour pérenniser la transmission de l'information, Cécile Massart veut développer une culture nucléaire : faire appel aux artistes de toutes les disciplines pour créer des oeuvres autour de ce sujet. De la littérature, du théâtre, des compositions musicales, des films, des oeuvres d'art. En concertation avec des scientifiques, des philosophes, des sociologues... Pour créer cette culture, l'artiste a imaginé des bâtiments implantés sur le lieu même de l'enfouissement. Des plateformes d'activités artistiques, d'archivage et de transmission des savoirs qu'elle dénomme "BatLAB". L'architecture de ces marqueurs est faite de symboles et de signes qui évoluent avec le temps. On en voit plusieurs projets dans l'exposition.

Sarcophagi - Radioactive Waste: une expo entre émotion, réflexion et information

Si l'art nous permet d'entrevoir de possibles réalités futures, imaginées par les artistes, Cécile Massart met en oeuvre des scénarios probables ou avérés. Par exemple dans l'installation Fragments of a monument, nous entrevoyons l'évolution de l'argile qui entoure les structures industrielles enfouies. L'argile crée une barrière qui, au fil des siècles, va se métamorphoser sous l'action de la chaleur. Ces monuments seront de vastes ensembles cuits par la chaleur dégagée par l'énergie des déchets hautement radioactifs. Dans l'installation, des céramiques, créés par l'artiste, donnent une réalité à ce phénomène. Et trois chariots de carottage du sous-sol des communes de Dessel, Herenthout et Kallo, réalisés par les géologues de l'ONDRAF, jouxtent l'installation. 

Accident et obsolescence

Nos outils de conservation de l'information ne sont pas éternels. Si l'on peut toujours déchiffrer des tablettes sumériennes du IVé millénaire avant Jésus-Christ, on a déjà beaucoup de mal à lire des cdrom des années 90 ou de la video des années 70 et 80. Cécile Massart s'inquiète de l'obsolescence des supports avec Toiles de mémoire, une installation faite d'une série d'écrans d'ordinateurs des années 90 qui ont affichés tant d'images oubliées.

L'artiste plaide pour la plus large diversité possible des modes de transmission de la mémoire. Dans l'histoire, il y a de nombreux exemples de lieux et d'objets disparus pendant des siècles et redécouverts ensuite. L'amnésie peut être organisée par le pouvoir ou involontaire à la suite d'une catastrophe naturelle par exemple. Cette question est mise en formes dans la série Cover qui présente une série de plaques offset qui ont servi à l'impression de livres. Les textes inscrits sur la plaque ont été grattés, ne laissant apparaître qu'un jeu de formes géométriques. 

Cécile Massart, globe-trotteuse du nucléaire

On a beau être artiste, lorsqu'on entre en discussion avec des ingénieurs et des responsables de tous ordres, il faut savoir de quoi on parle. Cécile Massart s'est rendue sur de nombreux sites de stockage de déchets, en France, en Espagne, au Brésil, au Japon. Au Nouveau-Mexique, elle a filmé le site souterrain Waste Isolation Pilot Plan dans le désert de Chihuahua. 3 videos sont à voir au Botanique. En Suède elle visite le centre de stockage SFR Forsmark situé à 60 mètres de profondeur sous la mer Baltique. On le voit, Sarcophagi - Radioactive Waste est une exposition interpellante, "à la frontière entre l'art et la pensée, l'art et l'événement incalculable que représente le nucléaire" nous dit Cécile Massart dans le livre (Editions La Lettre Volée) qui accompagne l'exposition.